• La reprise économique qui a débuté en 2021 et s’est poursuivie tout au long des premiers mois de 2022 a entraîné, avec les restrictions de l’offre dans le secteur des transports, une tendance à la hausse des taux de fret du commerce maritime et, par conséquent, une hausse de l’inflation.
• La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a entraîné une nouvelle hausse des prix des matières premières et une incertitude quant à la croissance économique future. Les prix du pétrole et du gaz devraient augmenter de 55 % et 147 %, respectivement, en 2022. La demande de charbon et, par conséquent, les prix du charbon, enregistrent une forte hausse en 2022, en raison de l’embargo européen sur le charbon russe.
• Le PIB de la zone euro devrait diminuer de 2,8 % en 2022, en supposant que la guerre reste limitée à l’Ukraine.

 

  • L’année 2021 et le début de 2022 se sont soldés par une reprise économique mondiale stable après la pandémie. En revanche, la « guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine »1 a entraîné un ralentissement important de la croissance attendue et une crise humanitaire coûteuse.
  • Déjà en 2021, des restrictions étaient apparues du côté de l’offre dans le secteur des transports, se présentant sous la forme de congestion dans les ports maritimes et des voies de navigation maritimes. Parallèlement à la reprise rapide en 2021, ces facteurs ont entraîné une augmentation des taux de fret applicables au commerce maritime, venant ainsi s’ajouter à des taux d’inflation déjà élevés.2
  • Les ports maritimes ukrainiens ont été fermés en raison de la guerre, et les exportations de céréales et d’autres matières premières ukrainiennes ont ainsi été bloquées. Les échanges commerciaux et les flux de matières premières (par exemple, le charbon) en provenance de Russie ont également été fortement réduits.
  • Les sanctions commerciales et financières imposées à la Russie ont entraîné des restrictions dans l’approvisionnement énergétique des pays d’Europe centrale et occidentale, ce qui a encore accentué la tendance à la hausse de l’inflation. Les prix des produits de base, en particulier pour le marché de l’alimentation et de l’énergie, s’envolent.
  • La croissance mondiale (PIB) devrait ralentir, passant d’un taux estimé à 6,1 % en 2021 à 3,6 % en 2022 et 2023. Cette prévision suppose que la guerre reste limitée à l’Ukraine. La croissance du commerce mondial devrait ralentir, en particulier en 2022, passant, d’un taux estimé à 10,1 % en 2021, à 5,0 % en 2022 et à 4,4 % en 2023.
  • La croissance du produit intérieur brut (PIB) de la zone euro est ramenée à 2,8 %, soit 1,1 point de pourcentage de moins que la projection datant de janvier 2022. La politique économique et monétaire est confrontée à un difficile compromis entre la lutte contre l’inflation et le renforcement de la croissance économique. La lutte contre l’inflation nécessite une hausse des taux d’intérêt, ce qui pourrait entraîner des coûts de financement plus élevés et, par conséquent, une baisse des investissements privés et de la croissance.
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    FIGURE 1: VARIATION EN POURCENTAGE DU PIB, À PRIX CONSTANTS (EN %)


    Source: base de données du FMI sur les perspectives de l’économie mondiale, perspectives d’avril 2021
     

COMMERCE

  • L’Ukraine connaissait déjà auparavant des perturbations de la chaîne d’approvisionnement et une pénurie de composants pour la production industrielle, qui ont été accentuées par le conflit. Cette situation s’avère préjudiciable à certains secteurs, notamment à celui de l’industrie automobile.
  • Cette perturbation va au-delà des matières premières : un exemple est la production de gaz néon, qui est concentrée en Russie et en Ukraine. Le gaz néon est nécessaire pour produire des semi-conducteurs en silicium et s’avère donc essentiel pour les industries de l’automobile, de l’électronique et de l’informatique. En outre, la production automobile mondiale dépend fortement d’un système de câblage électronique, produit en Ukraine, et de métaux tels que le palladium et le nickel produits en Russie.
  • L’une des principales conséquences économiques de la perturbation des flux commerciaux est la hausse des prix de presque tous les types de matières premières. Celle-ci touche non seulement les céréales (la Russie et l’Ukraine représentent environ 30 % des exportations mondiales de blé), mais aussi le charbon, le pétrole brut, les minéraux et les métaux.
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LES COURS DES MATIÈRES PREMIÈRES ET LEUR IMPACT SUR LE TRANSPORT FLUVIAL

     
    PÉTROLE BRUT

    • Les marchés à terme annoncent une croissance rapide des cours du pétrole et du gaz pour 2022 (55 % et 147 %, respectivement), puis une baisse pour 2023, à mesure que les approvisionnements s’ajusteront. Pour la navigation intérieure, les cours élevés du pétrole ont un effet double. Ils entraînent d’une part une baisse de la demande de produits pétroliers, tandis que, du côté de l’offre, ils génèrent des coûts de carburant plus élevés, qui représentent au moins un quart du total des coûts d’exploitation du transport fluvial.
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      FIGURE 2: INDICES DES PRIX DES MATIÈRES PREMIÈRES (2016 = 100) *


      Source: IMF (avril 2022)
      * Le charbon comprend le charbon sud-africain et australien. Les céréales comprennent le blé, le maïs, le riz et l’orge. Les métaux comprennent le cuivre, l’aluminium, le minerai de fer, l’étain, le nickel, le zinc, le plomb et l’uranium. Pétrole brut : moyenne simple de trois cours au comptant (Dated Brent, West Texas Intermediate, Dubai Fateh).

       

     
    CHARBON

    • La flambée des prix du charbon en 2022 reflète une forte hausse de la demande de charbon en raison de relations étroites entre l’offre et la demande et de l’éviction du charbon russe. Déjà en 2021, le transport de charbon sur le Rhin a progressé de près de 29 % (voir Chapitre 2) en raison des prix élevés du gaz.
    • En 2020, la Russie a couvert 55 % des importations de charbon de l’Union européenne et 16 % des besoins mondiaux en charbon.3 À supposer que, dans les années à venir, la demande de charbon reste toujours aussi forte et que l’embargo sur le charbon russe soit maintenu, il sera possible d’importer le charbon à partir d’autres pays producteurs de charbon, tels que l’Australie, les États-Unis, le Canada et l’Afrique du Sud.
    • Le transport de charbon sur le Danube incluait également des contingents de charbon russe. Il en allait de même pour l’industrie sidérurgique en Hongrie. Or, la chaîne logistique qui permettait d’assurer le transport du charbon russe dans le cadre du commerce maritime via le Port de Constanţa vers la Hongrie a été abandonnée en 2022 et remplacée par une chaîne de transport intégrant le Port maritime de Koper en Slovénie et le transport ferroviaire dans l’arrière-pays.

     
    CÉRÉALES

    • Selon les données du FMI sur les cours des matières premières,4 ceux des céréales ont tous augmenté d’environ 85 % entre 2020 et 2022, en conséquence de la croissance de la demande de denrées alimentaires pendant la crise due à la Covid et la guerre en Ukraine.
    • L’Ukraine est l’un des principaux exportateurs mondiaux de céréales et d’oléagineux. Selon les chiffres d’Eurostat,5 l’UE-27 a importé 8,0 millions de tonnes de céréales d’Ukraine en 2021 et 1,1 million de tonnes de Russie. Les exportations de céréales via les ports maritimes ukrainiens et roumains, et les ports fluviomaritimes, sont essentielles pour la sécurité alimentaire en Afrique du Nord, en Asie et au Moyen-Orient.
    • La guerre en Ukraine a des répercussions négatives sur les volumes de céréales récoltés en Russie et en Ukraine et exportés à partir de ces pays. Les exportations de céréales par les ports maritimes de la mer Noire représentaient 98 % de l’ensemble des exportations ukrainiennes de céréales. Il faut désormais rechercher d’autres circuits pour exporter les céréales en provenance d’Ukraine. L’un d’eux repose sur la liaison ferroviaire avec la Roumanie. La capacité de cette ligne de chemin de fer ne permet cependant pas la prise en charge des volumes exportés via les ports maritimes.6
    • Les solutions pour exporter des céréales d’Ukraine comprennent leur transport ferroviaire et routier vers les ports fluviomaritimes ukrainiens de Reni et d’Izmail, vers le port fluviomaritime moldave de Giurgiulești et vers des ports fluviomaritimes roumains tels que Brăila ou Galați. Dans ces ports, les céréales peuvent alors être chargées sur des barges fluviales ou sur de petits bateaux de mer. Dans le premier cas, les barges fluviales peuvent transporter les céréales jusqu’au port maritime de Constanța, où elles sont chargées sur des bateaux de mer disposant de grandes capacités. Dans le second cas, les petits bateaux de mer peuvent transporter les céréales entre les ports fluviomaritimes et les destinations en Afrique du Nord, avec ou sans transbordement à Constanța.
    • En ce qui concerne le transport ferroviaire de céréales vers les ports susmentionnés, il convient de mentionner qu’il existe, entre l’Ukraine et la plupart des régions de l’UE-27, des différences dans l’écartement des rails.7 Cela ne concerne cependant pas les ports ukrainiens de Reni et d’Izmail,8 ni celui de Galați en Roumanie, dont les voies ferrées présentent le même écartement que celles utilisées en Ukraine.
    • Les importations de céréales destinées aux pays d’Afrique du Nord sont également couvertes par les exportations des pays riverains du Danube moyen (Hongrie, Serbie) via le transport fluvial sur le Danube et le transport maritime entre Constanţa et l’Afrique du Nord. En réaction à la hausse des prix des céréales et à la baisse des importations en provenance d’Ukraine, la Hongrie a cependant imposé des contrôles aux exportations de blé en mars 2022. Le même mois, un régime de contrôle des exportations reposant sur des quotas a été introduit en Serbie. Ce régime prévoit le contrôle des exportations de blé, de maïs, de farine et d’huile de tournesol raffinée. Cela peut être interprété comme une réaction à une pénurie attendue d’huile de tournesol en raison de la diminution des importations en provenance d’Ukraine.