Chiffres pour les volumes de fret sur le Rhin mis à jour en novembre 2024.
- L’année 2023 a été, à plusieurs égards, annonciatrice d’une reprise économique, qui, selon la plupart des indicateurs, allait s’opérer en douceur. La fin de l’année a cependant été marquée par l’émergence de nouvelles difficultés pour la navigation intérieure. Alors que la guerre d’agression à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine faisait toujours rage et que les tensions augmentaient au Moyen-Orient, le degré d’incertitude, resté élevé pour plusieurs segments de marché, a eu une incidence négative sur les activités de transport fluvial et engendré des perspectives mitigées. Plus précisément, le transport de marchandises sur l’ensemble du Rhin (de Bâle à la mer du Nord) est passé de 292,3 millions de tonnes, en 2022, à 276,5 millions de tonnes, en 2023, traduisant une baisse globale de -5,4 %. Ce recul a été plus important sur le Rhin traditionnel (de Bâle à la frontière germano-néerlandaise) (-6,0 %) que sur le Rhin inférieur aux Pays-Bas (-4,5 %), où l’activité de transport est plus intense. Pour de nombreux segments de marché, les volumes de transport ont connu un taux de croissance négatif, allant de -5,3 % pour les produits métalliques à -27,0 % pour le charbon. Les produits pétroliers (+3,0 %) et le minerai de fer (+2,5 %) ont connu un taux de croissance positif.
- L’inflation a fortement diminué dans la zone euro en 2023, passant de 9,2 % à la fin 2022 à 2,9 % à la fin 2023, et devrait atteindre l’objectif de 2 % défini par la Banque centrale européenne (BCE) d’ici la fin 2025. Cette diminution résulte principalement de la baisse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires en 2023, qui avaient connu une forte hausse en conséquence de l’invasion de l’Ukraine, notamment en ce qui concerne le gaz naturel, qui était jusque-là massivement importé de Russie. Le charbon a connu ensuite une forte demande en tant que produit de substitution moins onéreux que le gaz naturel, suscitant ainsi une hausse de la demande et du prix du charbon dans la zone euro en 2022. Cependant, alors que la demande de gaz a commencé à diminuer au début de l’année 2023 et que la transition vers des sources d’énergie alternatives – telles que le charbon – était menée à bien, les prix du charbon sont retombés à des niveaux plus classiques, connaissant une baisse de -53 % entre 2022 et 2023. Les cours du gaz naturel ont suivi la même tendance, baissant de -59 % entre 2022 et 2023. Dans l’intervalle, le pétrole brut, face à une demande en baisse et au rattrapage complet de l’offre, a connu une baisse de ses cours de -16 %, entraînant dans son sillage les prix des carburants tout au long de l’année 2023. Les prix des denrées alimentaires ont également diminué de manière continue en 2023, l’augmentation de l’offre mondiale ayant plus que totalement compensé les perturbations causées par la guerre, en partie grâce à l’initiative céréalière de la mer Noire.
- Ces tendances sont très bien illustrées par les volumes transportés sur le Danube, qui dispose d’un accès direct à la mer Noire et à l’Ukraine : entre 2022 et 2023, le transport d’agribulk a augmenté de +32,8 % et le transport de produits alimentaires et de denrées fourragères a connu une forte augmentation de +232,9 %, tandis que le transport d’engrais et de charbon s’est effondré, chutant de -46,3 % et -99 %, respectivement. D’autres segments, tels que le minerai de fer (-6,6 %), les métaux (-4,5 %) et les produits pétroliers (-2,6 %), ont connu des baisses plus modérées. Globalement, le transport sur le Danube a diminué de -15,5 %. Les chiffres enregistrés sur le Rhin sont cependant très différents. Bien que la fin présumée de la crise énergétique ait entraîné la baisse susmentionnée de -27,0 % des volumes de charbon transportés sur le Rhin entre 2022 et 2023, d’autres segments n’ont pas réagi de la même manière que sur le Danube. Le volume des produits agricoles transportés par voie fluviale a ainsi diminué de -5,7 % malgré une augmentation de la production dans les pays rhénans et une offre mondiale abondante. De même, le segment des conteneurs, considéré comme un marché porteur majeur pour la navigation intérieure, a chuté de -10,4 % sur la même période, après avoir été mis à l’épreuve à plusieurs reprises depuis l’épisode de basses eaux de 2018. D’autres baisses similaires ont été observées sur le Rhin en ce qui concerne le transport de produits chimiques (-8,3 %) et de métaux (-5,3 %).
- Les ports maritimes européens ont souffert d’une conjoncture macroéconomique difficile, en dépit des améliorations, et du contexte géopolitique. En effet, presque tous ont connu des taux de croissance négatifs en 2023, même les ports maritimes présentant le trafic le plus important et assurant des activités de navigation intérieure. La manutention fluviale a ainsi diminué de -6,9 % dans le port de Rotterdam, de -3,4 % dans le port d’Anvers-Bruges, de -4,8 % dans le North Sea Port, et de -6,2 % à Hambourg, voire bien davantage si l’on tient compte de la manutention maritime. Rare exception à la règle, le port de Constanţa, qui a atteint son plus haut niveau de trafic jamais enregistré, à la fois pour le trafic maritime et le trafic fluvial. Cette performance résulte largement de sa position de voie alternative la plus viable pour les exportations massives de céréales ukrainiennes après le début de la guerre et le lancement de l’initiative céréalière de la mer Noire. Dans leur grande majorité, les ports intérieurs européens ont connu des baisses similaires de la manutention fluviale, celui de Duisbourg étant l’un des moins touchés (-0,9 %), alors que certains ports, principalement le long du Danube, affichaient des volumes croissants.
- La manutention des cargaisons conteneurisées a été durement touchée par le contexte géopolitique, principalement par la crise de la mer Rouge. À la fin du mois d’octobre 2023, les rebelles yéménites ont commencé à attaquer sans discernement les navires marchands franchissant le détroit de Bab-el-Mandeb. Comme 75 % des exportations européennes transitent généralement par ce détroit, ces attaques ont provoqué une baisse importante du transport de conteneurs à destination et en provenance des ports européens dans les derniers mois de l’année 2023, les chargeurs détournant les navires de leurs itinéraires habituels. Cette crise a joué un rôle majeur dans les mauvais résultats affichés par le segment des conteneurs à la fin de l’année 2023.
- En moyenne, les taux de fret de l’ensemble des segments ont diminué de -11,8 % en 2023 par rapport à 2022, après avoir augmenté de +42,5 % en 2022, tout en subissant les effets des périodes de basses eaux. Cette situation résulte principalement de la baisse importante des taux de fret applicables aux cargaisons sèches – soit -21,4 % sur le marché au comptant et -10,6 % par rapport aux prix contractuels – induite par la baisse de la demande, et plus particulièrement par celle de la demande de charbon. Malgré un secteur chimique en difficulté en 2023, les taux de fret applicables aux cargaisons liquides ont connu, en moyenne, une légère hausse (+3,9 %) , en raison d’une augmentation de la demande, bien que les taux de fret du marché au comptant seul aient diminué d’environ -25 %. Dans l’intervalle, les taux de fret applicables aux conteneurs ont légèrement augmenté (+2,2 %), mais moins qu’en 2022 en raison d’une demande plus faible.
- En 2023, la flotte intérieure en Europe comprenait près de 15 319 bâtiments, dont 9 658 étaient immatriculés dans des pays rhénans, 3 355 dans des pays danubiens et 2 306 dans d’autres pays européens. En 2023, la flotte à cargaison sèche naviguant dans les pays rhénans comprenait près de 7 000 unités, confirmant la tendance à la baisse amorcée en 2021. Celle-ci était attribuée aux difficultés en matière de succession des entreprises et à l’exportation plus récente de bateaux à cargaison sèche vers le Danube en conséquence de l’initiative des corridors de solidarité pour l’Ukraine. La flotte à cargaison liquide des pays rhénans, qui comptait 1 434 bâtiments, présentait la même tendance à la baisse que celle observée dans la flotte à cargaison sèche. Cela étant, la tendance croissante des bâtiments à devenir de plus en plus grands au cours des dernières années a entraîné une stagnation de la capacité de chargement globale de la flotte à cargaison sèche, et même une augmentation de la capacité de chargement de la flotte à cargaison liquide. La flotte de bateaux innovants, dont la CCNR suit de près l’évolution dans le cadre de sa feuille de route sur la réduction des émissions, ne cesse de croître, alors qu’elle représente moins de 0,2 % de la flotte de navigation intérieure européenne.
- Malgré une augmentation constante depuis 2012, le nombre de personnes employées dans les entreprises de transport fluvial de passagers en Europe a considérablement diminué en 2020 par rapport à 2019 en raison de la pandémie de Covid-19. Le niveau d’emploi s’est lentement rétabli depuis, mais n’a pas encore retrouvé ses niveaux prépandémiques en 2022. En revanche, le nombre d’entreprises dans le transport de marchandises a commencé à augmenter brusquement en 2020, tandis que le nombre d’entreprises dans le transport de passagers n’a cessé d’augmenter depuis 2010. Le chiffre d’affaires net enregistré dans l’UE-27 (plus la Suisse et la Serbie) pour les entreprises de fret fluvial correspondait à environ 7,5 milliards d’euros en 2022, une augmentation marquée par rapport aux 6,0 milliards d’euros enregistrés en 2021. Pour les entreprises de transport de passagers, ce chiffre s’élevait à 2,8 milliards d’euros en 2022.
- Le transport fluvial fait donc l’objet de perspectives mitigées. L’année 2023 a été difficile pour le transport de marchandises, compte tenu d’une conjoncture économique restée défavorable – malgré de notables améliorations – et d’un contexte géopolitique demeuré incertain, entre une guerre qui perdure en Ukraine et la montée des tensions au Moyen-Orient. Bien que des prévisions précises soient difficiles à établir, la plupart des segments de marché, ainsi que le transport de passagers et les nouvelles constructions, devraient connaître des améliorations dans les années à venir.